Ensemble, les travailleurs décident, coordonnent et exécutent toutes leurs activités. D’où leur est venue l’idée de cette folle utopie ? Dans les années 1970, Cecosesola Cecosesola Coopérative cinquantenaire de Barquisimeto (Etat de Lara) regroupant aujourd’hui plus de 50 organisations communautaires pour un total de 1.200 travailleurs. était une coopérative des plus classiques, proposant des services funéraires à ses coopérateurs. Au vu de leur succès, les travailleurs entamèrent un projet d’envergure : offrir un service d’autobus aux populations les plus pauvres, qui habitent dans les quartiers les plus mal desservis de la ville. L ’idée était de vendre les tickets à bas prix et de décider, conjointement avec la population, des itinéraires à suivre. Mais très vite, leur entreprise se buta à de nombreux obstacles. Non seulement les autres entreprises de transport, privées, montrèrent leur mécontentement face à ce nouvel acteur coopératif. Ensuite, sous influence de ces sociétés privées, les autorités communales refusèrent de subsidier l’activité de la coopérative. Influencée par une propagande médiatique négative, l’institution auprès de laquelle ils avaient sollicité un crédit ne leur accorda que 23 % de la somme demandée. Enfin, au sein de la coopérative, un petit groupe de travailleurs sema le chaos en divulguant des informations erronées et en accusant les managers de mauvaise gestion. Au bout de quelques années, ces tensions aboutirent à un scénario catastrophe. Une nuit de 1983, la police s’empara des 128 autobus de la coopérative et arrêta plusieurs dizaines de travailleurs. S’ensuivirent de nombreuses manifestations et une guerre médiatique pour finalement parvenir, 140 jours plus tard, à récupérer la plupart des autobus. Seulement, ceux- ci arrivèrent dans un état déplorable, avec des sièges manquants et des pneus crevés. Que faire ?
Durant ces quelques mois d’inactivité, les travailleurs qui n’avaient pas déserté la coopérative avaient eu le temps de se réunir, souvent, pour discuter de leur projet d’entreprise : quelle entreprise avons-nous envie de construire ? De quoi avons-nous besoin ? Ensemble, ils décidèrent de supprimer l’ensemble des postes hiérarchiques. Ils conclurent également qu’il valait mieux arrêter le service d’autobus. En effet, conduire étant une activité fort solitaire, elle rendait difficile la création de liens entre les travailleurs. Ils décidèrent aussi d’autofinancer leurs nouveaux projets, afin d’éviter de dépendre d’organismes financeurs. Enfin, ils mirent en place un système de rotation des postes de travail, de prise de décision collective, de travail par équipe et de responsabi- lisation des travailleurs.
Jugeant la société vénézuélienne trop égoïste, individualiste et irresponsable, désapprouvant l’unique forme d’entreprise proposée par cette société consumériste, ils s’engagèrent à développer une entreprise en autogestion, où les travailleurs s’impliquent « corps et âme », où ils cocréent des relations de travail basées sur « le respect, la solidarité, l’équité, la critique, la responsabilité, l’engagement, la communication, la transparence et l’honnêteté » [1].